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TERRA AMATA

TERRA AMATA

Entre passé et présent, entre fiction et réalité, elle est notre terre bien-aimée.
 
Elle s’étend sur le versant ouest du Mont Boron, entre le boulevard Carnot et la Moyenne Corniche, entre le Port et le « Castel des Deux Rois ». De retour du paradis qu’ils étaient en train de perdre aux Indes, des anglais se seraient épris de ce paysage et, l’auraient simplement appelée : Terra Amata, ce qui avec la réserve que nous leur connaissons, signifiait vraisemblablement qu’ils avaient retrouvé une terre de délices.
« Terra Amata » est le titre du quatrième roman de l’écrivain contemporain niçois J.M.G Le Clézio. C’est le pays natal de son héros Chancelade et l’auteur en parle en ces termes : « On ne peut pas échapper à ce pays…On ne s’en va jamais... C’est la beauté … (1) Et il est presque miraculeux, qu’on ait installé sur cette portion de territoire communal un complexe comprenant : une crèche, une maternelle et une école primaire
assortis d’un CEDAC et d’une bibliothèque. La construction immobilière s’y est aussi, bien sûr, développée et c’est à l’occasion du chantier de construction de l’immeuble le « Rosemont » que, en 1966, on se rendit compte de la richesse du sous-sol en vestiges.

En six mois, sous la direction de Henry de Lumley, des archéologues menèrent des fouilles de sauvetage.
L’abondance des découvertes était telle que la municipalité de l’époque décida de créer un musée sur l’emplacement même du site. Il fut inauguré en 1976. Il y a 400 000 ans environ, la mer était à 26 m au-dessus de son niveau actuel. Le site mis à jour était une plage sur laquelle les chercheurs ont découvert une succession de surfaces paléolithiques avec une grande concentration d’objets fabriqués attribués à la culture Acheuléenne (H. de Lumley 1976, P. Villa 1978, Coombs 1977) ainsi que des ossements de gros et petits mammifères (éléphants, rhinocéros, daims, lapins) et d’oiseaux. Aucun reste humain ne figure sur le site, ce qui autorise à penser que c’était un lieu de passage où des chasseurs résidaient temporairement.

La particularité du site vient de la présence de structures construites pour le feu et pour l’habitat. Certains chercheurs, comme Henry de Lumley, en conclurent que le site comprenait des sols d’habitats et interprétèrent les arrangements de pierres comme des fondations de huttes ou d’abris contre le vent. Cette hypothèse ferait de cet ensemble un des tout premiers exemples d’abris et de protections créés par l’homme jamais découvert. Cette théorie fut contestée par les études de Paola Villa. La querelle d’experts se poursuit.
En tout état de cause, la Côte d’Azur constitue un site d’archéologie majeur.
Elle a été habitée par l’homo erectus il y a un million d’années comme l’attestent les traces d’activité humaine dans les grottes de Roquebrune-Cap-Martin.
Il y a environ 400 000 ans les premiers habitats construits par des hommes, l’auraient été sur les plages de
Terra Amata et, 200 000 ans avant notre ère, située entre la « Réserve » et « Coco Beach », la Grotte du Lazaret, en contrebas de la Villa « La Côte », était occupée par des chasseurs. Il y a 80 000 ans, l’homme de Néanderthal vivait dans des grottes alentour.
La découverte d’armes datant de 30 000 ans prouve que l’Homo Sapiens Sapiens a vécu dans cette région.
Situé au 25 Boulevard Carnot, le « Musée de Paléontologie Humaine de Terra Amata » présente une installation permanente avec un moulage de la plage originale datée d’environ 380 000 ans, une hutte reconstituée, la mise en évidence de foyers, une empreinte de pas d’hominidé ainsi que des ossements d’animaux et des coprolithes (excréments fossilisés) dont on ne peut affirmer s’ils sont d’origine humaine et
les outils trouvés sur place. Le musée organise aussi des expositions thématiques, comme celle qui s’est terminée le 25 mai dernier intitulée « A la Conquête du Feu » ainsi que des conférences. Il accueille les groupes scolaires pour des projets pédagogiques. Il est ouvert au public tous les jours sauf le lundi.
De toute évidence cette Terre Bien-Aimée a été appréciée par nos ancêtres il y a des centaines de milliers
d’années. Cela ne nous surprend pas et en 1967, Le Clézio a écrit pourquoi : « Terre parfaite, terre aimée,
abhorrée, terre où il ne manque rien, où il n’y a rien à désirer » « C’est la beauté… Voilà ce qu’était
ce paysage. Sur ce morceau de terre, face à la mer, sous le ciel nu, avec, lorsqu’il faisait nuit, la lune et
les étoiles, et lorsqu’il faisait jour, le regard unique du soleil Kax. » (1)

 
1.« Terra Amata » de Jean-Marie
Gustave Le Clézio, L’imaginaire Gallimard